Morges - Eglantine 29.09.2023
Le logement
Etat des lieux, défis et perspectives

Après une légère détente du marché entre 2015 et 2020, le canton de Vaud connaît à nouveau une pénurie de logements.

Début 2024, le taux de vacance atteint 1 % dans le Canton et le district de Morges, et seulement 0.67 % dans la région morgienne. Cette tension, accentuée par la hausse des prix et des taux hypothécaires, complique l’accès au logement.

Quelles ont été les principales évolutions en matière de logement depuis 2020 dans la région ? Comment expliquer cette pénurie et quels sont les enjeux et perspectives pour l’avenir ?

 

Une région attractive et dynamique, mais le logement sous pression

Depuis 2020, la croissance annuelle des logements a dépassé celle de la décennie précédente, avec 1’350 logements construits (hors maisons individuelles, 3 % du total). Près de 40 % comptent 1 à 2 pièces et 55 % disposent de 3 à 4 pièces, avec des spécificités locales selon les projets.

Dans un contexte de demande croissante et de pénurie généralisée dans l’agglomération lausannoise, les prix d’achat et à la location des petits et moyens logements ont fortement augmenté. Cette hausse contraste avec les régions périphériques, où le taux de vacance reste plus élevé et les prix plus abordables.

En revanche, seuls les grands logements ont vu leur prix se stabiliser, voire baisser, en raison d’une demande suffisante liée à des coûts élevés et à une inadéquation avec les besoins actuels.

Evolution des prix à l’achat dès 2000, appartement, Vaud (source : realadvisor)

Les prix à l’achat ont fortement augmenté depuis 2020, et la location également sur l’ensemble du Canton, et en particulier dans l’agglomération pour les petits et moyens logements.

 

Cette dynamique témoigne également du succès de la région, qui se distingue par sa qualité de vie et sa proximité avec les centres urbains. La région morgienne reste attractive grâce à un cadre de vie harmonieux, alliant accessibilité, services et loisirs.

Si ces dernières années ont vu un retour vers les centres urbains grâce à une nouvelle offre de logements, la hausse des prix pourrait favoriser un mouvement inverse, similaire à la période antérieure à 2015, où un partie de la demande se reportait sur les régions et cantons voisins.

 

Des parcours résidentiels toujours plus diversifiés mais aussi avec plus de fragilité

L’évolution des parcours de vie et des modèles familiaux diversifie la demande de logements : familles monoparentales, couples sans enfants, colocations, locations de courte durée, etc.  Adapter l’offre à ces besoins devient essentiel pour accompagner le développement et renouvellement démographique au niveau local.

Depuis 2020, la région a vu différents types de ménages privilégier des localisations spécifiques :

°  Les ménages solos (tous âges confondus), les couples jeunes et d’âge moyen ainsi que les familles ont principalement choisi des localisations centrales comme Morges.

°  Dans les centres secondaires (Préverenges, Saint-Prex), le nombre de familles a diminué au profit des solos et des couples plus âgés.

°  Les communes restantes ont attiré des couples plus âgés, parfois pour l’achat de villas de seconde main, désormais trop onéreuses pour les jeunes familles.

L’analyse du parc régional de logement montre une répartition cohérente des ménages selon le type de logement : les petits ménages privilégient les petits logements (1-2 pièces), les familles occupent principalement des moyens et grands logements (3-4 pièces et 5+), et les couples sont présents dans toutes les catégories, mais les plus âgés tendent à occuper de grands logements (5+ pièces).

Avec la hausse des prix, le taux d’effort des ménages (part du revenu consacré au logement) est sous pression. Si, par le passé, les ménages les plus vulnérables étaient principalement les seniors vivant seuls, les famille à revenus modestes et les familles monoparentales, la situation s’est aujourd’hui étendue aux jeunes adultes solos et même aux couples souhaitant une famille.

 

Illustration des parcours de vie : à chaque étape des aspirations résidentielles spécifiques.

 

Focus nouveaux logements : attractifs, mais pas pour tout le monde

L’analyse des 1’350 nouveaux logements construits depuis 2020 relève une attractivité marquée pour les ménages solos et les couples jeunes et d’âge moyen, au détriment des ménages âgés et des familles monoparentales, qui semblent avoir eu un accès limité au marché des nouveaux logements.

En revanche, les familles y sont présentes dans les proportions conformes à la moyenne régionale. Certaines réalisations montrent même des contrastes plus marqués selon les qualités de la situation ou les spécificités du projet.

Fait plus surprenant, les personnes seules qui occupent de grands logements (5+ pièces) ont été deux fois plus nombreuses dans les nouveaux logements que sur la moyenne régionale (14 % des 5+ pièces contre 7 % au niveau régional).

 

Le récent quartier du Stand à Echandens (2022), avec plus de 60 logements, a attiré 36 % de familles ce qui est tendanciellement plus que dans d’autres projets. La programmation du type de logements, les prix et les qualités de la localisation ont joué un rôle en répondant aux besoins de ce type de ménage.

Le vieillissement de la population a des impacts sur le marché de logements

Le vieillissement de la population influence la demande de logements. En effet, les ménages plus âgés déménagent moins fréquemment, ce qui les conduit à sous-occuper des logements plus grands, autrefois destinés à des familles, et immobilise ainsi une partie du marché immobilier.

Une étude de l’Office fédéral du logement (OFL 2024) met en lumière plusieurs obstacles à la mobilité résidentielle des seniors, notamment l’attachement au cadre de vie, la crainte du changement, les difficultés liées à la numérisation et les efforts physiques requis pour déménager. Le facteur financier semble avoir un impact moins important.

Cependant le vieillissement entraîne de nouveaux besoins en matière de logement : proximité des services, sécurité et mobilité adaptée. Il devient donc crucial d’adapter le parc immobilier pour répondre à des exigences spécifiques et de mettre en place des dispositifs incitatifs favorisant la mobilité des seniors, afin d’éviter la sous-occupation des logements.

Dans ce contexte, la Ville de Morges, dans le cadre du programme cantonal Vieillir 2030, participe au projet « Vieillir chez soi ». Ce programme vise à améliorer l’habitat et l’autonomie des seniors en adaptant leur logement et en renforçant les solidarités de proximité.

En ce qui concerne la mobilité résidentielle des seniors, un projet pilote lancé à Lausanne en 2024, dans le cadre d’un programme fédéral sur l’habitat et le logement durable, explore cette question à travers un système d’échange de logements. Le bilan de ce projet est attendu pour l’été 2025, et selon les résultats, la méthodologie pourrait être étendue à d’autres acteurs du marché.

 

Une demande résidentielle essentiellement migratoire

Entre 2020 et 2023, 30 % de la population régionale a changé, soit près de 130’000 habitants. Alors que le bilan migratoire seul (arrivées et départs tout type confondu) est d’un peu plus de 1’000 habitants sur cette période, il masque une mobilité résidentielle sous-jacente importante : des 30 % de nouveaux habitants, seuls 5 % concernent les nouveaux logements, contre 25 % pour le parc existants.

Sur l’ensemble des nouveaux habitant vivants dans la région dans le période de référence, près de 70 % viennent de la région et du reste du Canton, plus de 11 % d’un autre canton et environ 20 % d’origine internationale.

Ces chiffres varient selon le type de commune, les plus urbaines ayant accueilli sensiblement plus de personnes venant d’un autre canton ou de l’international.

Des nouveaux logements qui répondent à une demande régionale et locale

Comme mentionné, seulement 5 % des 30 % des nouveaux des nouveaux habitants de la région entre 2020 et 2023 occupent de nouveaux logements. Ces occupants sont à plus de 80 % d’origine intercantonale et locale (même commune), contre 12 % d’origine intercantonale et 8 % internationale.

A travers cers chiffres, on constate que la demande en nouveaux logements dans la région est majoritairement locale et régionale.

 

Le projet « Les Marais » réalisé à Denges (2021) avec près de 70 logements a accueilli une population à 80 % d’origine intra cantonale pour seulement 8 % d’habitants d’origine locale.

 

Des pistes d'actions régionales et locales

L’évolution des prix du logement est un phénomène complexe, influencé par plusieurs facteurs nécessitant des leviers d’actions variés :

°  Facteurs structurels (long terme) : évolution démographique, attractivité économique, nature des propriétaires, disponibilité foncière, etc.

°  Facteurs conjoncturels (moyen terme) : fiscalité, rénovation du parc existant, moyens financiers et légaux, infrastructures, résidences secondaires, résistance populaire, etc.

°  Facteurs opérationnels (court terme) : activation de projets, simplification des processus de construction, encadrement des loyers abordables, etc.

Néanmoins, pour répondre à la pénurie et à la hausse des prix, plusieurs leviers doivent être actionnés conjointement et à divers échelons, notamment sur le plan politique.

Face à cette tension croissante, il devient urgent d’identifier des solutions adaptées au contexte local. Les oppositions aux projets, un cadre légal contraignant et l’absence d’actions sur les loyers freinent les réponses nécessaires, accentuant les impacts sociaux, économiques et démographiques.

A l’échelle communale, des outils existent pour soutenir l’offre et la demande, mais leur activation dépend des ressources et des choix politiques locaux. Une coordination renforcée entre les acteurs régionaux et locaux sera essentielle pour garantir une offre équilibrée de logements et préserver l’attractivité de la région.

Au niveau régional, cinq axes d’actions ont été définis afin de structurer une réponse collective et durable. Ces orientations serviront de base à des projets innovants, visant à mieux encadrer la dynamique résidentielle et à garantir une offre de logements adaptée aux besoins de la population.

 

Morges – Quartier des Halles et Marché Automne 2023
Sébastien Bovy

Documents
Date Titre Descriptifs / Auteurs
28 mars 2025 Focus thématique "Le Logement" Etat des lieux, défis et perspectives - Région Morges, Audrik Augsburger pdf