Presse
WWF Vaud – Régional n°2/2020
Qu'est-ce qu'une connexion naturelle ?

Une connexion naturelle permet à un organisme (animal, plante ou champignon) de se déplacer d'un endroit à un autre pour accomplir ses besoins de base : se nourrir, disperser ses graines ou trouver un partenaire, chercher un territoire pour s'installer, un abri ou un endroit de repos. C'est un élément structurant de l'habitat et de la vie des organismes qui relie des points d'intérêts majeur.

Une connexion est continue et homogène : une rivière et ses berges, une haie, une étendue de forêt, un champ, un chemin creux, un lac, un marais, un muret, une bande herbeuse, etc. Mais ces exemples valent surtout pour les animaux. Ainsi, les connexions naturelles sont différentes pour les plantes et champignons qui utilisent souvent les animaux comme vecteurs de dispersion des graines et dépendent donc indirectement des connexions naturelles des animaux pour se reproduire.

Elles sont créées et détruites par l’action de dynamiques naturelles et humaines. Celles d’origine naturelle sont en premier lieu les rivières, les lacs, les marais, les glaciers et l’enforestement. Toutefois, beaucoup de connexions sont aussi dues au travail de l’homme sur le paysage, notamment agricole : haies, chemins creux, bordures et lisières de forêts, sentiers forestiers, à-côtés de routes ou de rails.

Si la biodiversité a pu profiter de structures linéaires créées par l’homme comme les chemins ou les haies, les connexions naturelles sont hélas de nos jours très et trop souvent coupées, interrompues ou supprimées par l’urbanisation et les aménagements. Un nouveau bâtiment, un grillage, un arbre abattu, un trottoir qui remplace de l’herbe et les animaux n’ont plus d’endroit pour cheminer ou se retrouvent bloqués. Cela peut les conduire à prendre plus de risques – traverser des routes par exemple – ou à définitivement renoncer à passer. Les conséquences peuvent être importantes : empêcher la colonisation d’espaces, impacter la reproduction et donc les populations d’animaux, voire provoquer une extinction locale. Indirectement, cela affecte aussi les plantes ou les champignons qui dépendent des animaux pour leur dispersion.

Les travaux dans les villes, que ce soit entretenir l’existant, construire de nouveaux quartiers, les équiper, ou les modifier, coupent souvent les connexions naturelles. Plus particulièrement, la densification, qui consiste à mettre plus d’activités et d’habitats en ville pour éviter que l’urbanisation ne gagne sans cesse sur la campagne, pose de grands problèmes en supprimant le « vert » urbain. Les routes, leur(s) agrandissement(s), les infrastructures liées aux transports sont également des facteurs importants de coupure du paysage et de sa fragmentation.

Néanmoins, les connexions naturelles sont protégées et garanties à divers niveaux, notamment par le réseau écologique cantonal ou national. Ces réseaux concernent surtout la grande faune (cervidés, sangliers) et la prise en compte de la faune moyenne doit elle se faire au niveau local. Les communes ont des capacités d’agir auprès des différents acteurs concernés – promoteurs, régies, propriétaires privés, urbanistes et architectes – aux différents stades des projets urbains et elles en tiennent de plus en plus souvent compte dans les plans d’aménagement.

Il est possible de restaurer partiellement des connexions naturelles ou d’en créer de nouvelles. C’est le sens de nombreuses actions, par exemple le programme « Connexions naturelles » du WWF, la prise en compte dans les projets urbains (Lausanne, Région Morges, Région de Nyon), ou encore les chartes de bonnes pratiques comme la « Charte des Jardins » du Canton de Vaud. Les mesures sont notamment la plantation de haies à des endroits stratégiques qui font office de connexions naturelles, d’habitats et de sources de nourriture pour la faune. La facilitation du cheminement, soit le rétablissement des connexions coupées par des aménagements se fait aussi par des mesures comme les passages au-dessus et au-dessous des routes, l’aménagement de passages dans les grillages ou les câbles pour écureuils tirés entre deux arbres par-dessus les routes. La renaturation de rivières vise aussi à recréer des connexions, par les passes à poissons et la suppression des obstacles dans le lit, et la constitution de continuités naturelles pour la faune sur les rives.

Nous remercions pour leur aide et les informations apportées : Charlotte Baurin et Guillaume Raymondon (Région Morges), Guy Berthoud (ECONAT-Concept) et Christophe Baltzinger (Irstea).

Nicolas Messieux

Quel est l'impact de la densification sur les connexions naturelles ?

Guillaume Raymondon est ingénieur territorial auprès de Région Morges, une entité partenaire de l’agglomération Lausanne-Morges qui coordonne l’aménagement du territoire dans la région morgienne. Il a bien voulu nous confier son sentiment par rapport à la densification – très présente à Morges – et son impact sur les connexions naturelles.

Quel est l’impact de la densification ? 

A la base, la densification permet d’éviter d’empiéter sur les terrains agricoles et de miter le territoire, mais elle peut effectivement représenter un risque pour les milieux et les connexions naturelles, notamment par la bétonisation et l’imperméabilisation des sols. La densification se traduit à la fois par une perte quantitative – les surfaces vertes – et qualitative – par exemple des anciens arbres qui sont coupés.

Des connexions importantes qui structurent le canton de Vaud sont heureusement protégées spécialement par la loi, comme les rivières, les forêts et les champs agricoles et empêchent aussi une trop forte densification.

Vous dites même que la densification peut permettre la création de nouvelles connexions…
Oui, une densification qui aurait lieu sur une zone pauvre du point de vue écologique peut représenter une opportunité de recréer des milieux et des connexions.

Nous avons ainsi un projet en cours de “Voie verte” qui consiste à faciliter le cheminement à vélo d’Est en Ouest dans l’agglomération. Cette liaison est un facteur de lien entre les différentes communes et offre une opportunité de recréer des connexions naturelles et ainsi reconnecter des milieux aujourd’hui séparés les uns des autres.

Le projet « SudVillage » à Tolochenaz, refusé par la population, prévoyait la création d’un grand espace vert public au centre du quartier, sur une surface goudronnée qui accueille aujourd’hui des camions. De nombreux arbres auraient été plantés dans le quartier et des aménagements tels que des toitures végétalisées auraient pu permettre de recréer des espaces favorables à la biodiversité. Dans un tel contexte, la densification aurait eu un effet positif sur les connexions écologiques.

Les connexions écologiques sont-elles une préoccupation pour les autorités publiques de la région de Morges ?

La question des connexions naturelles en milieu urbain est une problématique nouvelle dans la région. Jusqu’à présent, les actions en faveur de la biodiversité étaient davantage envisagées de manière ponctuelle : remplacer un arbre abattu, ou pour les grands projets, identifier la présence d’une espèce rare et veiller à sa préservation. Or, pour garantir ces connexions, il est nécessaire de disposer d’une vision plus large.

L’obtention du label « Ville Verte » par la Ville de Morges implique par exemple une meilleure prise en compte des enjeux écologiques dans les processus communaux. De son côté, Région Morges réfléchi à de nouveaux outils pour soutenir les communes sur cette thématique. Notre adhésion récente à l’association suisse pour des quartiers « One Planet Living », promue par le WWF, nous offre ainsi des perspectives pour mieux intégrer les connexions naturelles dans les projets immobiliers.

Quels sont les leviers des autorités publiques pour aider les connexions naturelles ?
La majeure partie du territoire des communes appartenant à des propriétaires privés, ces derniers ont un rôle important à jouer dans le maintien et/ou la restauration des connexions naturelles. Des outils de communication et d’information, tels que la “Charte des jardins” peuvent être utilisés. La mise en place de fonds communaux pour l’environnement permet aussi de soutenir des actions comme le remplacement d’une haie de thuyas par une haie vive indigène.

D’autre part, il est important que les communes fassent preuve d’exemplarité en intégrant cette problématique lors de l’entretien des espaces verts ou des bâtiments publics. Plusieurs communes de la région morgienne ont d’ailleurs mis en place un entretien différencié des parcs publics ou de bords de routes. Elles peuvent aussi poser certaines exigences lors de changements d’affectation ou lors de l’attribution de permis de construire.

Mais pour toutes ces actions, il est primordial de connaître les secteurs importants en matière de biodiversité sur le territoire communal – comme par exemple un bâtiment avec une colonie d’hirondelles ou une bordure de route avec des espèces rares. C’est seulement en disposant de ces connaissances que les autorités publiques pourront mettre en place une protection adéquate !

Propos recueillis par Nicolas Messieux

Documents
Date Titre Descriptifs / Auteurs
29 juin 2020 Qu'est-ce qu'une connexion naturelle ? WWF - Régional vaud pdf